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rejoindre le roi, elle est fêtée en route par les gens d’Alençon, qui avaient gardé le souvenir de ses bienfaits. Partout, de France en Béarn, elle sème des charités et des grâces, assiste son frère malade en 1545, erre avec lui de château en château comme pour tromper le mal dont il est obsédé, voit sa fille au Plessis-lez-Tours et regagne son asile favori. Elle était bien affaiblie déjà ; la mort du roi, survenue le 31 mars 1547, et qui la surprit au monastère de Tusson, en Angoumois, acheva de la briser. Toutefois elle devait souffrir deux longues années encore, deux années de luttes domestiques et d’agonie morale, veuve inconsolable de ceux que sa grande âme avait le plus aimés, et frappée jusqu’au dernier jour par la main de ses proches. Pour ne s’être pas lassée d’assister François Ier dans sa captivité, dans ses guerres, dans les traités de paix qu’il méditait ; pour ne s’être pas détournée de lui, Marguerite n’en était pas moins sensible aux coups de la fatalité et aux souffrances que le roi lui infligeait lui-même, tantôt proscrivant ses amis, tantôt lui dérobant sa fille, élevée loin d’elle comme un otage dans le château-prison de Plessis-lez-Tours. Aussi, abreuvée d’ennuis, atteinte par l’âge, contre lequel nul espoir, nul réconfort ne la prémunissait désormais, quand elle perdit avec François Ier un frère égoïste, mais aimé ; quand, privée de tout appui solide et se traînant dans la solitude, elle put se répéter ces paroles de deuil :

Je n’ai plus ny Père ny Mere,
Ny Seur, ny Frère,[1]

  1. Marguerites de la Marguerite (Chansons spirituelles).