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fois Berquin aux poursuites reprises contre lui, et, grâce aux dispositions plus clémentes du roi, se hâte de rappeler autour d’elle ses chers proscrits. Clément Marot, détenu en 1526 comme suspect d’hérésie, est sauvé par la duchesse d’Alençon, et la remercie dans une épître en vers. Elle prend en main la cause d’Érasme, dénoncé aux sentences de la Sorbonne par Bedier. Louise de Savoie, envoyant au gibet l’honnête Semblançay, provoquant par ses persécutions la redoutable trahison du connétable de Bourbon, mettant le feu aux bûchers enfin, est le mauvais génie de François Ier, ce brillant, mais faible et égoïste Valois : Marguerite est le bon génie qui eût fait de lui un grand homme, s’il l’avait toujours écoutée.

Devenue reine de Navarre, elle ouvre le Béarn aux persécutés. Dominé, animé par elle, Henri d’Albret la seconde. Le supplice du malheureux Berquin, livré enfin au bûcher en 1529[1] , aurait pu la décourager complètement ; il ne fait que l’affliger. Le vieux Le Fèvre, après s’être dérobé au péril de retraite en retraite, se tenait coi dans sa place de bibliothécaire, à Blois, que Marguerite lui avait procurée. Dans l’automne de 1531, elle obtient le congé du bonhomme Fabri, qui en profite pour gagner Nérac, où il trouve un asile et une pension honorables. Calvin, forcé de s’enfuir de Paris, est caché par les soins de la reine de Navarre dans les environs de Mantes, avant d’être recueilli dans Angoulême par le

  1. Érasme lui avait en vain conseillé de fuir ou de se taire. Marguerite, dans une lettre de 1526, remercie Anne de Montmorency de ce qu’il s’est employé « pour le povre Berquin, que j’estime, dit-elle, aultant que si c’estoit moy mesmes, et par cela pouvés vous dire que vous m’avez tirée de prison. »