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François Ier, comme s’il eût eu besoin d’un otage, les priva bientôt, par une politique cruelle, de leur unique enfant, qu’il fit élever au Plessis-lez-Tours. Marguerite et Henri habitaient le duché d’Alençon ; froissés dans leurs affections, ils prirent, en 1530, le chemin du Béarn.

Toutefois, bien qu’ils y eussent désormais établi leur résidence, ils s’en éloignèrent souvent. Marguerite n’épargna pas les voyages pour le service de François Ier, surtout après la mort de Louise de Savoie (1531), qui vint briser la trinité si unie de la mère, du frère et de la sœur[1] . Henri d’Albret, qu’on leurrait de la vaine espérance de recouvrer la Navarre, remplissait, en attendant, les fonctions de gouverneur de la province de Guyenne. Marguerite, dans les intervalles de repos que lui laissait le service du roi de France, exerçait une magique influence autour d’elle, et pendant quelques années la petite cour de Nérac brilla d’un éclat extraordinaire. Un vieil auteur, Hilarion de Coste, énumère avec complaisance les bienfaits que Marguerite et Henri surent répandre partout, les réformes qu’ils accomplirent dans le pays. L’historien Olhagaray exalte Marguerite, «qui avoit esté l’œillet précieux dans le parterre de ceste maison, et de qui l’odeur avait attiré en Béarn, comme le thym les mousches à miel, les meilleurs esprits de l’Europe.» Les protégés de la reine de Navarre l’avaient suivie en Béarn ; ce pays était l’asile des persécutés, et

  1. Marguerite dit, dans une réponse à des vers que lui adressait le roi :

    Ce m’est tel bien de sentir l’amitié
    Que Dieu a mise en notre trinité.

    (Champollion-Figeac, Poésies de François Ier, de Louise de Savoie et de Marguerite de Valois.) (Impr. roy., 1847, pet. in-fol.)