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fitant de leurs indications, elle les complète et les corrige en plusieurs endroits ; et peut-être la figure de la reine de Navarre s’y dégage-t-elle avec plus de netteté de la réunion des traits particuliers, recueillis partout avec le plus grand soin.

I


Cette gracieuse Marguerite, chantée par les poètes comme une perle et comme une fleur, cette Angoumoise « sentant l’eau douce de Charente », comme elle parle d’elle-même dans une de ses lettres, eut une vie des plus troublées. Non-seulement ses deux mariages, les affaires du roi, des chagrins domestiques lui firent une existence inquiète ; mais la famille d’écrivains et de hardis penseurs qu’elle protégea, de près ou de loin, lui valut force tribulations. Chassés et ramenés tour à tour par les circonstances, proscrits, emprisonnés, condamnés au feu, ils n’avaient d’espoir qu’en elle, la regardant avec raison comme leur meilleur avocat et leur plus zélé défenseur.

Née le 12 avril 1492, fille de Louise de Savoie et de Charles, comte d’Angoulême, prince du sang[1] , elle fut, suivant le mot pittoresque de Michelet, le pur élixir des

  1. Voir Le Roux de Lincy, ouvrage cité : Appendice I. — (Inventaire des biens meubles du comte d’Angoulême au château de Cognac en 1496.) On y remarque des livres précieux par leur reliure comme par leur contenu, vrais bijoux dans leur genre. Aristote, Boëce, Dante, y rencontrent les livres saints, la Légende dorée, l’Imitation de Jésus-Christ, les romans de la Table ronde et les Facéties de Pogge. Ces goûts studieux remontaient au père du comte Charles. Dans la Notice sur Louise de Savoie (p. II, note I), il est dit, d’après Jean du Port, auteur d’une Vie du très-illustre et vertueux prince Jean, etc., qu’on lui attribuait une traduction des Distiques moraux composés au moyen âge sous le nom de Caton. L’inventaire de ses livres fournit l’indication de plusieurs volumes écrits entièrement de sa main, parmi lesquels le livre de la Consolation de Boëce, Pétrarque, les Prières extraites des œuvres de saint Augustin, etc.