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DERNIÈRES POÉSIES DE MARGUERITE DE NAVARRE

Et si romprons sa très ferme entreprise. »
Lors ont cherché par moyen très abille
De l’assaillir du cousté plus debille,
Pensant la femme estre plus variable
Que l’homme n’est, plus legiere et muable :
A mon cœur doncq ils se sont adressés
Et leurs moyens encontre luy dressés.
Premièrement, Jalosie en grand zèle
Me dist : « Helas ! Amye », et si tost 1 elle
Se teust, la lerme à l’œil, et [puis se] meist
Expérience en son lieu, qui me dist :
« Ouvre tes yeulx, [o] povre aveugle, et veoy :
Je te veulx bien l’amy monstrer au doy,
Que tu soustiens estre le plus parfaict ;
Or, veoy le bien, regarde ce qu’il faict. »
Lors Souppeçon et Doubte m’affermèrent
Qu’ainsi ont faict tous ceulx qui peu aymerent,
Et Deffîence en feist triste serment
Que je n’estois aymée nullement.
Et pour prouver sa fâcheuse sentence,
Me feist venir le Temps, Longueur, Absence ;
Tous d’un accord par mille inventions
Me donnèrent tourmens, tentations,
Paines, douleurs, si grandes, que Tescripre
Ne seroit riens au regard du martyre,
Tant qu’à la fin par eulx trop incitée
Et peu de vous par lettre visitée,
Je fuz quasi [tout] au desespoir mise.

. Ms. puis.