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DU TOME PREMIER

guerite de France, seur unique du Roy, Royne de Navarre, Duchesse d’Alençon & de Berry — L. — & voici quelques extraits de sa dédicace, dans laquelle l’auteur s’intitule Conseiller du Roi, Receveur général de ses finances en Bourgogne, Trésorier de l’Extraordinaire de ses guerres & très humble Secrétaire de cette Reine :

« Il vous souvient, ma Dame, du temps que vous feistes séjour de quatre à cinq mois à Paris, durant lequel vous me conmmandastes, mc voyant venu nouvellement de Florence, où j’avoye séjourné ung an entier, vous faire lecture d’aucunes Nouvelles du Décaméron de Bocace, après laquelle il vous pleut me commander de traduire tout le livre en nostre langue Françoyse, m’asseurant qu’il seroit trouvé beau & plaisant. Je vous feiz lors responce que je sentois mes forces trop foibles pour entreprendre une telle œuvre… Ma principalle & plus raisonnable excuse estoit la congnoissance que j’avoye de moy mesmes, qui suis natif du pays de Daulphiné, où le langaige maternel est trop esloigné du bon Françoys… Toutesfoys, il ne vous pleut recevoir aucune de mes excuses, & me remontrastes qu’il nc faloit point que les Toscans fussent en telle erreur de croire que leur Bocace ne peust estre représenté en nostre langue aussi bien qu’il est en la leur, estant la nostre devenue si riche & si copieuse, depuis l’advênement à la couronne du Roy vostre frère, qu’on n’a jamais escript aucune chose en aultre langue qu’on ne puisse dire en cestuy, demourant votre voulonté arrestée que je le traduisisse quand j’en auroye le loisir. Quoy voyant & desirant toute ma vie faire plus si je pouvoye que le possible pour vous obéir, je commençay de là à quelque temps à traduire une desdites Nouvelles, puis deux, puis trois, & finallement jusques au nombre de dix ou douze, des plus belles que je sçeu choisir, lesquelles je laissay veoir après tant à ceulx de la nation Tuscane que de la nostre, qui tous me feirent accroire qu’elles estoient sinon bien, au moins très fidèlement traduictes. Par quoy me laissant ainsi doulcement tromper, si tromperie il y a, je me suis depuis mis à le commencer par ung bout & à le finir par l’autre… »

Cette préface dédicatoire est suivie d’une autre épître en italien d’Emilio Ferretti, datée de Lyon, du 1er mai 1545, & d’un avertissement aux lecteurs par le libraire Étienne Roffet. Le privilège du Roi pour Roffet, dit le Faulcheur, libraire, demeurant sur le pont Saint-Michel à l’enseigne de la Rose blanche, est daté de Saint-Germain en Laye, le 2 novembre 1544. Le Prologue de Marguerite, par lequel elle a dû commencer, puisque la manière dont elle en est restée à la 72e Nouvelle semble indiquer qu’elle n’écrivait pas d’avance, mais à mesure, n’a donc pu être écrit qu’en 1545 au plus tôt. — M.