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LES FARCES

laisser à ces saynètes protestantes le titre que leur auteur leur a donné.

Dans le Malade, à côté de la femme qui, pour soulager son mari, a plus d’un remède, la dent de sanglier, les germes d’œufs, la fiente de pigeon, le jus de pavot ; à côté du médecin qui a la saignée & ne croit pas aux recettes des commères, il y a la chambrière qui conseille à son maître de se recommander à Dieu & de ne compter que sur lui. C’est la seule foi qui le peut guérir & qui le guérit en effet.

Il est curieux de rapprocher le Malade de la pièce de Mathieu Malingre, « Moralité de la maladie de Chrestienté à treize personnages, — Foi, Espérance, Charité, Chrestientė, Bon Œuvre, Hypocrisie, Péché, le Médecin céleste, l’Aveugle, son Varlet, l’Apoticaire, le Docteur, — en laquelle sont monstrez plusieurs abuz advenus au Monde par la poison de péché & l’hypocrisie des heretiques ».

Il est aussi curieux de rappeler qu’elle fut jouée à La Rochelle, en 1558, devant Antoine de Bourbon & Jeanne d’Albret, la fille de Marguerite. C’est au fond le même sujet que le Malade, &, si la Moralité de Malingre était de 1558, date du voyage du roy de Navarre & de sa jeune femme, comme nous l’apprend le journal du pasteur Michel Pacqueteau[1], ce serait lui qui se serait inspiré de l’œuvre de la Reine ; mais son œuvre était écrite depuis longtemps, puisqu’on en connaît une édition imprimée à Paris par Pierre Vignolle en 1533. Comme Marguerite a surtout écrit à la fin de sa vie, il se pourrait que le thème soit de Malingre & que ce soit Marguerite qui le lui ait ensuite repris.

Les Deux Filles, les Deux Mariées & la Vieille n’ont rien de religieux : c’est, plus brièvement, une sorte de débat sur des questions amoureuses, comme Marguerite en a fait dans le

  1. Origine & progrès de la Reformation à La Rochelle, par M. L. de Richemont, précédé d’une notice sur Philippe Vincent. Paris, Sandoz, 1872, pet. in-8o, p. 51-4 & 99.