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LES ADIEU

Fais de t’aimer, qui brusle mon desir
Jusques à tant que j’aye le plaisir
De te revoir & telle & en tel lieu,
Que sans cesser j’en fais prière à Dieu.


Madame la Seneschalle.

« Moy, qui n’ay sçeu mes yeux garder de larmes,
En te voyant n’ay peu trouver nulz termes
Pour dire adieu. Or maintenant le diz,
En suppliant le Roy de Paradis
Que cest adieu tourne sans long sejour
En très heureux & desiré bon jour ;
En attendant, durant cest intervalle,
Souvienne vous de vostre Séneschalle.


Madame de Grantmont.

« Je te requiers que me vueilles permettre
Que mon Adieu icy je puisse mettre.
A Dieu je dis celle dont la présence
J’ay desiré depuis la mienne enfance,
Et, maintenant que j’ay reçeu ce bien,
Te perds de veue, & ne sçay pour combien,
Car un Mary ou toy ou moy prendra,
Dont eslongner ta veüe me faudra.
Mais j’ay espoir que ceux qui nous prendront,
En liberté plus grande nous rendront
De nous revoir, &, quoyqu’il en advienne,
Je te requiers que de moy te souvienne.
Car, quelque part que tu ailles, ira
Et, vive ou morte, à jamais t’aymera
Ta Catharine, estant d’Aste nommée,
Qui de regret est quasi assommée.