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POÉSIES INÉDITES

Ou près, si près que en un lict noz corps couchent
Et noz vouloirs soyent unyz en un,
Et noz deux cœurs, si possible est, se touchent,
Et nostre tout soit à nous deux commun ;
Ou loing, si loing que amour tant importun
De vos nouvelles à moy ne puisse dire,
Povre de veoir, de parler & d’escrire,
Tant que de vous soit mon cœur insensible ;
Velà comment vivre avecq vous desire,
Car entre deux, sans mort, m’est impossible.

Folio 132 verso.

Ne près, si près que vous puissiez coucher
Dedens mon lict, il n’adviendra jamais,
Ou par amour mon corps ou cœur toucher,
Ny adjouster à mon honneur un mais.
Si loing, bien loing allez, je vous prometz
De n’empescher en rien vostre voyaige,
Car près ne loing d’aymer je n’ay couraige,
Fors d’un amour dont chascun aymer veulx.
Soit près ou loing n’est desir d’homme saige ;
Contentés vous d’estre aymé entre deux.

Folio 133 recto.

« En vous veoyant prendre la hardiesse,
Couché sus moy, d’une aultre entretenir
Que plus aymés que Madame & maistresse,
Je ne vous puis porter ny soustenir.
— Ne me voulez un tel propos tenir,
Lict, où j’ay tant de reposer desir,
Car je n’ay peu meilleur moyen choisir