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PEU ET MOINS

Oubliant sa propre besongne ?
Cest moy. Point nauray de vergongne
De m’apparoistre & me monstrer ;
Bien que chacun s’en plainct & grongne,
Je ne crains nully rencontrer.

Mon nom est faict de noms sans nombre.
Je suis grand & pour servir d’umbre,
Mais mon umbre est comme de l’yf ;
Qui s’y repose & endort sombre
Y trouvera mauvais encombre,
Qui en fin le rendra chétif.
A promettre je suis hastif,
Mais qui se fie à mes promesses
Est trompé, car de cœur nayf
Ne les faictz, mais par grancts finesses.
 
Mon esprit est tout fantastique,
Qui, sans prendre repoz, s’applique
A mon particulier prouffit ;
Et qui m’en reprent, je réplicque
Que c’est pour la chose publicque,
Et ceste responce suffit.
Je suis à mon plaisir confit,
En ma richesse & à ma gloire ;
Faire veux ce qu’onques ne fist
Nul, pour laisser de moy mémoire.
 
Demandez à tous bons Souldars,
Qui pour argent vont aux hazardz,
Ilz vous diront qui je puis estre ;
Allez où l’on tire des arcz