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Ve JOURNÉE

puis en autre lieu, aussy privément qu’il estoyt possible. »

La bonne femme luy dist : « Hé ! hé ! ma commère, c’estoyt moy.

— Voire, ma commère, » ce dist l’aultre, « mais je les ay veu après sur la neige faire telle chose qui me semble n’estre belle ne honneste.

— Ma commère, » dist la bonne femme, « je le vous ay dict, & le vous diz encores, que c’estoyt moy & non aultre qui ayt faict tout cela que vous me dictes, mais mon bon mary & moy nous jouons ainsy privément. Je vous prie, ne vous en scandalisez poinct, car vous sçavez que nous debvons complaire à noz mariz. »

Ainsy s’en alla la bonne commère, plus desirante d’avoir ung tel mary qu’elle n’estoit à venir demander celluy de sa bonne commère. Et, quant le Tapissier fut retourné à sa femme, luy feit tout au long le compte de sa commère :

« Or, regardez, m’amye, » ce respondit le Tapissier, « si vous n’estiez femme de bien & de bon entendement, long temps a que nous fussions séparez l’un de l’autre ; mais j’espère que Dieu nous conservera en nostre bonne amityé à sa gloire & à nostre bon contentement.

— Amen, mon amy, » dist la bonne femme ; « j’espère que de mon cousté vous n’y trouverez jamais faulte. »