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XLIIIJe NOUVELLE

Par quoy, le dimanche venu, la Marchande & sa fille ne faillirent, au retour de leurs dévotions, de passer par le logis de la Damoiselle vefve, où elles la trouvèrent avec une sienne voisine, devisans en une gallerie de jardin, & la fille de la vefve, qui se promenoit par les allées du jardin avecques Jaques & Olivier.

Luy, aussi tost qu’il veid s’amie, se forma en sorte qu’il ne changea nullement de contenance. Si alla en ce bon visage recevoir la mère & la fille, &, comme c’est l’ordinaire que les vieux cherchent les vieux, ces trois dames s’assemblèrent sur un banc qui leur faisoit tourner le dos vers le jardin, dans lequel, peu à peu, les deux amans entrèrent, se promenans jusques au lieu où estoient les deux autres.

Et, ainsi de compagnie, s’entrecaressèrent quelque peu, puis se remirent au promenoir, où le jeune homme compta si bien son piteux cas à Françoise qu’elle ne pouvoit accorder & si n’osoit refuser ce que son amy demandoit, tellement qu’il cogneut qu’elle estoit fort aux altères. Mais il fault entendre que, pendant qu’ils tenoient ces propos, ils passoient & repassoient souvent au long de l’abry où estoient assises les bonnes femmes, à fin de leur oster tout soupçon, parlans, toutesfois, de propos vulgaires & familiers, & quelques fois un peu rageans folastrement parmy le jardin.