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Ve JOURNÉE

ambition ne convoitise, en chasteté de pureté non faincte ne contraincte ; mais de ceulx là ne sont pas tant les rues pavées que marquées de leurs contraires, & au fruict congnoist on le bon arbre.

— En bonne foy je pensois, » dist Ennasuicte, « que nous fussions tenuz, sur peyne de péché mortel, de croyre tout ce qu’ilz nous dient en chaire de vérité : c’est quant ilz ne parlent que de ce qui en est la saincte Escripture ou qu’ilz allèguent les expositions des sainctz Docteurs divinement inspirez.

— Quant est de moy, » dist Parlamente, « je ne puis ignorer qu’il n’y en ayt entre eulx de très mauvaise foy, car je sçay bien que ung d’entre eulx, Docteur en Théologie & Principal de leur Ordre, voulut persuader à plusieurs de ses Frères que l’Évangille n’estoyt non plus croyable que les Commentaires de César ou autres Histoires escriptes par Docteurs autenticques &, depuis l’heure que l’entendis, ne vouluz croire en parolle de Prescheur si je ne la trouve conforme à celle de Dieu, qui est la vraye touche pour sçavoir les parolles vraies ou mensongères.

— Croiez, » dist Oisille, « que ceulx qui humblement souvent la lisent ne seront jamais trompez par ficttions ny inventions humaines ; car qui a l’esperit remply, de vérité ne peut recevoir le mensonge.

— Si me semble il, » dist Simontault, « que une simple personne est plus aisée à tromper que une autre.

— Ouy, » dist Longarine, « si vous estimez sottise estre simplicité.

— Je vous dictz, » dist Simontault, « que une femme bonne, doulce & simple, est plus aisée à tromper que une fine & malitieuse.