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XLIIIJe NOUVELLE

la compaignye & principallement ceulx qui congnoissent le Seigneur & la Dame de Sédan, & Hircan dist :

« Les Cordeliers doncques ne devroyent jamais prescher pour faire les femmes saiges, veu que leur folye leur sert tant. »

Ce dist Parlamente : « Ilz ne les preschent pas d’estre saiges, mais ouy bien pour le cuyder estre, car celles qui sont du tout mondaines & folles ne leur donnent pas de grandes aulmosnes ; mais celles qui, pour fréquenter leur Couvent & porter les patenostres marquées de testes de mort & leurs cornettes plus basses que les aultres, cuydent estre les plus saiges, sont celles que l’on peult dire folles, car elles constituent leur salut en la confiance qu’elles ont en la saincteté des inicques, que pour ung petit d’apparance elles estiment demy dieux.

— Mais qui se garderoyt de croire à eux, » dist Ennasuicte, « veu qu’ilz sont ordonnez de noz Prélatz pour nous prescher l’Évangile & pour nous reprendre de noz vices ?

Ceulx, » dist Parlamente, « qui ont congneu leur ypocrisie & qui congnoissent la différence de la doctrine de Dieu & de celle du Diable.

— Jhésus, » dist Ennasuicte, « penserez vous bien que ces gens là osassent prescher une mauvaise doctrine ?

— Comment penser, » dist Parlamente, « mais suys je seure qu’ilz ne croyent riens moins que l’Évangille, j’entens les mauvais, car je congnois beaucoup de gens de bien lesquelz preschent purement & simplement l’Escripture & vivent de mesmes, sans scandale, sans