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Ve JOURNÉE

mais luy dist : « Monseigneur, nostre Religion est si bien fondée que tant que le Monde sera Monde elle durera, car nostre fondement ne fauldra jamais, tant qu’il y aura sur la terre homme & femme. » Monseigneur de Sédan, desirant sçavoir sur quel fondement estoit leur vie assignée, le pria bien fort de luy vouloir dire.

Le Cordelier, après plusieurs excuses, luy dist : « Puisqu’il vous plaist me commander de le dire, vous le sçaurez. Sçachez, Monseigneur, que nous sommes fondez sur la follye des femmes, &, tant qu’il y aura en ce Monde de femme folle ou sotte, ne mourrons poinct de faim. »

Madame de Sédan, qui estoit fort colère, oyant ceste parolle se courroucea si fort que, si son mary n’y eust esté, elle eust faict faire desplaisir au Cordelier, & jura bien fermement qu’il n’auroit jà le pourceau qu’elle luy avoit promis ; mais Monsieur de Sédan, voïant qu’il n’avoyt poinct dissimullé la vérité, jura qu’il en auroyt deux & les feit mener en son Couvent.


« Voilà, mes Dames, comme le Cordelier, estant seur que le bien des Dames ne luy povoit faillir, trouva façon, pour ne dissimuller poinct la vérité, d’avoir la grace & aulmosne des hommes. S’il eût esté flateur & dissimulateur, il eut esté plus plaisant aux Dames, mais non profitable à luy & aux siens. »

La Nouvelle ne fut pas achevée sans faire rire toute