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Ve JOURNÉE

sa délibération, qu’il estimoit estre le moïen dernier & extrême qu’il povoyt prendre là, &, voïant qu’il n’y avoyt plus de remède, la chercha tant qu’il la trouva en une compaignye où elle ne povoyt fuir, qui se courroucea fort à elle des rigueurs qu’elle luy tenoyt & de ce qu’elle vouloyt laisser la compaignye de son frère, laquelle luy dist qu’elle n’en avoyt jamais trouvé une pire ne plus dangereuse pour elle & qu’il estoyt bien tenu à son Sommelier, veu qu’il ne le seryoyt seullement du corps & des biens, mais aussi de l’ame & de la conscience.

Quant le Prince congnut qu’il n’y avoyt aultre remède, délibéra de ne l’en prescher plus & l’eut toute sa vie en bonne estime.

Ung serviteur du dict Prince, voïant l’honnesteté de ceste fille, la voulut espouser, à quoy jamais ne se voulut accorder sans le commandement & congé du jeune Prince auquel elle avoyt mis toute son affection, ce qu’elle luy feit entendre, & par son bon vouloir fut faict le mariage, où elle vescu toute sa vie en bonne réputation, & luy a faict le jeune Prince beaucoup de grans biens.


« Que dirons-nous icy, mes Dames ? Avons nous le cueur si bas que nous facions noz serviteurs noz maistres, veu que ceste cy n’a sçeu estre vaincue ne d’amour ne de torment ? Je vous prie que à son