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VIJe JOURNÉE

bonne fille, à laquelle elle dist les complexions de son mary & les siennes, qui les chassoyt aussi tost qu’elle les congnoissoit folles. Ceste Chamberière, pour demourer au service de sa maistresse en bonne estime, se délibéra d’estre femme de bien &, combien que souvent son maistre luy tint quelques propos, au contraire n’en voulut tenir compte & le racompta tout à sa maistresse, & toutes deux passoient le temps de la follye de luy.

Ung jour que la Chamberière beluttoyt en la chambre de derrière, ayant son sarot sur la teste, à la mode du pays, qui est faict comme ung cresmeau, mais il couvre tout le corps & les espaulles par derrière, son maistre, la trouvant en cest habillement, vient bien fort la presser. Elle, qui pour mourir n’eust faict ung tel tour, feit semblant de s’accorder à luy ; toutesfoys luy demanda congé d’aller veoir premier si sa maistresse s’estoyt poinct amusée à quelque chose afin de n’estre tous deux surprins, ce qu’il accorda. Alors elle le pria de mectre son sarot en sa teste & de belucter en son absence, afin que sa maistresse ouyt tousjours le son de son beluteau, ce qu’il feit fort joieusement, aiant espèrance d’avoir ce qu’il demandoyt.

La Chamberière, qui n’estoyt poinct mélancolicque, s’en courut à sa maistresse, luy disant : « Venez veoir vostre bon mary, que j’ay aprins à beluter pour me deffaire de luy. » La femme feyt