Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/252

Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
VIJe JOURNÉE

une vie aussi mélancolicque comme son amy la mena austère en la Religion.


« Vous voyez, mes Dames, quelle vengeance le Gentil homme feyt à sa rude amye qui, en le pensant expérimenter, le désespera de sorte que, quant elle le voulut, elle ne le peut recouvrer.

— J’ay regret, » dist Nomerfide, « qu’il ne laissa son habit pour l’aller espouser ; je croy que ce eut esté ung parfaict mariage.

— En bonne foy, » dist Simontault, « je l’estime bien sage ; car qui a bien pensé le faict de mariage, il ne l’estimera moins facheux que une autre Religion, & luy, qui estoyt tant affoibly de jeusnes & d’abstinences, craingnoyt de prendre une telle charge qui dure toute la vie.

— Il me semble, » dist Hircan, « qu’elle faisoit tort à ung homme si foible de le tanter de mariage, car c’est trop pour le plus fort homme du monde ; mais, si elle luy eust tenu propos d’amityé, sans l’obligation que de volunté, il n’y a corde qui n’eust esté desnouée. Et, veu que pour l’oster de Purgatoire elle luy offroyt ung Enfer, je dis qu’il eut grande raison de la refuser & luy faire sentir l’ennuy qu’il avoyt porté de son refuz.

— Par ma foy, » dist Ennasuicte, « il y en a beaucoup qui, pour cuyder mieulx faire que les aultres, font pis ou bien le rebours de ce qu’ilz veullent.

— Vrayement, » dist Geburon, « combien que ce ne soyt à propos, vous me faictes souvenir d’une qui faisoyt le contraire de ce qu’elle vouloit, dont il vint ung grand tumulte à l’église Sainct-Jehan de Lyon.