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VJe JOURNÉE

n’est stable, souvent leur amityé tournoyt en courroux, & puis se revenoyt plus fort que jamais, en sorte que toute la Court ne le povoyt ignorer.

Ung jour la Dame, tant pour donner à congnoistre qu’elle n’avoit affection en rien, aussy pour donner peyne à celluy pour l’amour duquel elle avoyt porté beaucoup de facherye, luy va faire meilleur semblant que jamais n’avoyt faict. Par quoy le gentil homme, qui n’avoyt ny en armes ny en amours nulle faulte de hardiesse, commencea à pourchasser vivement celle dont maintesfois l’avoyt priée, laquelle, feignant ne povoir soustenir tant de pitié, luy accorda sa demande & luy dist que pour ceste occasion elle s’en alloyt en sa chambre, qui estoit en galletas où elle sçavoit bien qu’il n’y avoyt personne & que, si tost qu’il la verroyt partye, il ne faillit d’aller après, car il la trouveroyt de la bonne volunté qu’elle luy portoyt.

Le Gentil homme, qui crut à sa parolle, fut si content qu’il se mit à jouer avecq les aultres Dames, actendant qu’il la veit partye pour bien tost aller après. Et elle, qui n’avoit faulte ne nulle finesse de femme, s’en alla à Madame Marguerite, fille du Roy, & à la Duchesse de Montpensier, & leur dist : « Si vous voulez, je vous montreray le plus beau passetemps que vous veiste oncques. » Elles, qui ne cherchoient poinct de mélencolye, la prièrent de luy dire que c’estoyt. « C’est, » ce dist