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CINQUANTE CINQUIESME NOUVELLE


La vefve d’un Marchant accomplit le testament de son mary, interprétant son intention au profit d’elle & de ses enfans.


n la ville de Sarragoce y avoyt ung riche Marchant, lequel, voyant sa mort approcher & qu’il ne povoyt plus tenir ses biens, que peut estre avoyt acquis avecq mauvaise foy, pensa que, en faisant quelque petit présent à Dieu, il satisferoyt après sa mort en partye à ses pechez, comme si Dieu donnoit sa grâce pour argent. Et, quant il eut ordonné du faict de sa maison, dist qu’il vouloyt que ung beau cheval d’Espagne qu’il avoyt fût vendu le plus que l’on pourroit & que l’argent fût distribué aux pauvres, priant sa femme qu’elle ne voulust faillir, incontinant qu’il seroit trespassé, de vendre son cheval & distribuer cet argent selon son ordonnance.