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Ve JOURNÉE

— J’entendz bien, » dist Oisille, « que, si nous voulons entendre la fin des raisons de Symontault, veu que le cas luy touche, nous pourrions trouver Complies au lieu de Vespres ; par quoy allons nous en louer Dieu d’ont ceste journée est passée sans plus grand débat. »

Elle commencea la première à se lever & tous les aultres la suyvirent, mais Symontault & Longarine ne cessèrent de débatre leur querelle si doulcement que, sans tirer espée, Symontault gaigna, monstrant que de la passion la plus forte estoyt la nécessité la plus grande, & sur ce mot entrèrent en l’église où les Moynes les attendoient.

Vespres oyes, s’en allèrent soupper autant de parolles que de viandes, car leurs questions durèrent tant qu’ilz furent à table, & du soir jusques ad ce que Oisille leur dist qu’ils pouvoyent bien aller reposer leurs esperitz, & que les cinq Journées estoient accomplies de si belles histoires qu’elle avoyt grand paour que la sixiesme ne fût pareille ; car il n’estoit possible, encores qu’on les voulût inventer, de dire de meilleurs comptes que véritablement ils en avoyent racomptez en leur compaignye.

Mais Geburon lui dist que, tant que le Monde dureroit, il se feroit cas dignes de mémoire, « car la malice des hommes mauvais est toujours telle qu’elle a esté, comme la bonté des bons. Tant que malice & bonté règneront sur la Terre, ilz la rempliront tousjours de nouveaulx actes, combien qu’il est escript qu’il n’y a rien nouveau soubz le soleil. Mais, à nous qui n’avons esté appellez au conseil privé de Dieu, ignorans les premières causes, trouvons toutes choses