Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.


CINQUANTIESME NOUVELLE


Messire Jean Pierre poursuivit longuement en vain une sienne voysine, de laquelle il estoit fort féru, &, pour en divertir sa fantaysie, s’esloingna quelques jours de sa veue, qui luy causa une mélancolie si grande que les Médecins luy ordonnèrent la saignée. La Dame, qui sçavoit d’ond procédoit son mal, cuydant sauver sa vie, avança sa mort, luy accordant ce que tousjours luy avoit refusé, puis, considérant qu’elle estoit cause de la perte d’un si parfait amy, bar un coup d’épée se feit compagne de sa fortune.


n la ville de Crémonne n’y a pas longtemps qu’il y avoit ung gentil homme nommé messire Jehan Piètre, lequel avoyt aymé longuement une Dame qui demoroit près de sa maison ; mais, pour pourchatz qu’il sçeut faire, ne povoit avoir d’elle la responce qu’il desiroit, combien qu’elle l’aymoyt de tout son cueur. Dont le pauvre Gentil homme fut si ennuyé & faché qu’il se retira en son logis, déli-