Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
XLIXe NOUVELLE

sembloyt qu’elles voyoient tous les Diables d’Enfer devant leurs œilz, Mais Oisille leur dist :

« Mes Dames, humilions nous quant nous oyons cest horrible cas, d’autant que la personne délaissée de Dieu se rend pareille à celluy avecq lequel elle est joincte ; car, puisque à ceulx qui adhérent à Dieu ont son esperit avecq eulx, aussi sont ceulx qui adhérent à son contraire, & n’est rien si bestial que la personne destituée de l’esperit de Dieu.

— Quoy que ayt faict ceste pauvre Dame, » dist Ennasuicte, « si ne sçauroys je louer ceulx qui se ventent de leur prison.

— J’ay opinion, » dist Longarine, « que la peyne n’est moindre à ung homme de celler sa bonne fortune que de la pourchasser, car il n’y a veneur qui ne prenne plaisir à corner sa prise, ny amoureulx d’avoir la gloire de sa victoire.

— Voilà une opinion, » dist Simontault, « que devant tous les Inquisiteurs de la foy je soustiendray héréticque, car il y a plus d’hommes secretz que de femmes, & sçay bien que l’on en trouveroyt qui aymeroyent mieulx n’en avoir bonne chère que s’il falloyt que créature du monde l’entendist. Et por ce a l’Eglise, comme bonne mère, ordonné les Prestres confesseurs & non pas les femmes, parce que elles ne peuvent rien celler.

— Ce n’est pas pour ceste occasion, » dist Oisille, « mais c’est parce que les femmes sont tant ennemyes du vice qu’elles ne donneroient pas si facilement absolution que les hommes & seroient trop austères en leurs pénitences.

— Si elles l’estoient autant, » dist Dagoucin, « qu’elles