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Ve JOURNÉE

huict jours ceulx qui me tenoient me laissèrent aller beaucoup plus foible que je n’estoys arrivé. »

Ilz jurèrent tous que ainsy leur estoit advenu.

« Ma prison, » dist Astillon, « commencea tel jour & fina tel jour.

— La myenne, » dist Durassier, « commencea le propre jour que la vostre fina, & dura jusques à ung tel jour. »

Valnebon, qui perdoit patience, commencea à jurer & dire : « Par le sang Dieu ! ad ce que je voy, je suis le tiers, qui pensois estre le premier & le seul, car je y entray tel jour & en saillis tel jour. »

Les aultres trois qui estoient à la table jurèrent qu’ilz avoient bien gardé ce rang.

« Or, puisque ainsy est, » dist Astillon, « je diray l’estat de nostre geolière. Elle est mariée & son mary est bien loing.

— C’est ceste là propre, » respondirent ilz tous.

— Or, pour nous mectre hors de peyne, » dist Astillon, « moy qui suys le premier en roolle, la nommeray aussy le premier. C’est Madame la Contesse, qui estoit si audatieuse que en gaingnant son amitié je pensois avoir gaingné César.

— Que à tous les Diables soyt la villaine qui nous a faict d’une chose tant travailler & nous réputer si heureux de l’avoir acquise ! Il ne fut oncques une telle meschante, car, quant elle en tenoit ung en cache, elle praticquoit l’autre pour n’estre