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XIIJe NOUVELLE

Religieuse, fut envoyée par la Dame à la femme du Capitaine. Et, quand la bonne vieille veid la lettre & l’anneau, il ne fault demander combien elle pleura de joye & de regret d’estre aimée & estimée de son bon mary, de la vue duquel elle se voyoit estre privée, &, en baisant l’anneau plus de mille fois, l’arrousoit de ses larmes, bénissant Dieu qui sur la fin de ses jours luy avoit redonné l’amitié de son mary, laquelle elle avoit tenue longtemps pour perdue. Et, remerciant la Religieuse qui estoit cause de tant de bien, à laquelle feit la meilleure response qu’elle peut, que le messaigier rapporta en bonne diligence à sa maistresse, qui ne la leut, ny n’entendit ce que luy dist son serviteur sans en rire bien fort. Et se contenta d’estre deffaicte de son diamant par si profitable moyen que de réunir le mary & la femme en bonne amitié, dont luy sembla avoir gaigné ung royaulme.

Ung peu de temps après vindrent nouvelles de la deffaicte & mort du pauvre Capitaine, & comme il fut abandonné de ceulx qui le devoient secourir, & son entreprinse révélée par les Rhodiens, qui la debvoient tenir secrette ; en telle sorte que luy, avecq tous ceulx qui descendirent en terre, qui estoient en nombre de quatre vingts, furent tous tuez, entre lesquels estoit un Gentil homme nommé Jehan & un Turc, tenu sur les fons par la