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XLe NOUVELLE

— Il me semble, » dist Parlamente, « que ne l’une ne l’autre n’est louable, mais que les personnes qui se submectent à la volunté de Dieu ne regardent ny à la gloire, ny à l’avarice, ny à la volupté, mais pour une amour vertueuse & du consentement des parens desirent de vivre en l’estat de mariage comme Dieu & Nature l’ordonnent, &, combien que nul estat n’est sans tribulation, si ay je veu ceulx là vivre sans repentance, & nous ne sommes pas si malheureux en ceste compaignie que nul de tous les mariez ne soyt de ce nombre-là. »

Hircan, Geburon, Simontault & Saffredent jurèrent qu’ilz s’estoient mariez en pareille intention & que jamais ilz ne s’en estoient repentiz, mais, quoy qu’il en fust de la vérité, celles à qui il touchoit en furent si contantes que, ne povans oyr ung meilleur propos à leur gré, se levèrent pour en aller randre graces à Dieu, où les Religieux estoient prestz à dire Vespres.

Le Service finy, s’en allèrent souper, non sans plusieurs propos de leurs mariages, qui dura encores tout du long du soir, racomptans les fortunes qu’ilz avoient eues durant le pourchas du mariage de leurs femmes. Mais, par ce que l’un rompoit la parolle de l’autre, l’on ne peut retenir les comptes tout du long, qui n’eussent esté moins plaisans à escripre que ceulx qu’ilz disoient dans le pré. Ilz y prindrent si grand plaisir & se amusèrent tant que l’heure de coucher fut plus tost venue qu’ilz ne s’en apperçeurent.

La Dame Oisille départyt la compaignye, qui s’alla coucher si joyeusement que je pense que ceulx qui estoient mariez ne dormirent pas plus longtemps que