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IIIJe JOURNÉE

crédules, nous appellons Dieu à nostre ayde, nous prenons son nom en vain ; mais, s’il y a péché, vous seule en debvez porter la peyne, car vos incrédulitez nous contraingnent à chercher tous les sermens dont nous nous pouvons adviser, & encores ne povons nous allumer le feu de charité en voz cueurs de glace.

— C’est signe, » dist Longarine, « que tous vous mentez, car, si la vérité estoyt en vostre parolle, elle est si forte qu’elle vous feroyt croyre, mais il y a dangier que les filles d’Ève croyent trop tost ce serpent.

— J’entens bien, Parlamente, » dist Saffredent, que les femmes sont invincibles aux hommes, par quoy je me tairay, afin d’escouter à qui Ennasuicte donnera sa voix.

— Je la donne, » dist-elle, « à Dagoucin, car je croy qu’il ne vouldroyt poinct parler contre les Dames.

— Pleust à Dieu, » dist Dagoucin, « qu’elles respondissent autant à ma faveur que je vouldroys parler pour la leur. Et, pour vous monstrer que je me suis estudyé de honorer les vertueuses en ramentevant leurs bonnes œuvres, je vous en voys racompter une, & ne veulx pas nyer, mes Dames, que la patience du Gentil homme de Pampelune & du Président de Grenoble n’ait esté grande, mais la vengeance n’en a esté moindre. Et, quant il fault louer ung homme vertueulx, il ne fault poinct tant donner de gloire à une seulle vertu qu’il faille la faire servir de manteau à couvrir ung très grand vice ; mais celluy est louable qui pour l’amour de la vertu seulle faict œuvre vertueuse, comme