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XXXIJe NOUVELLE

de son mary, lequel, après longue pénitence, pour le desir qu’il avoyt d’avoir enfans & pour la pitié qu’il eust de sa femme qui en si grande humilité recepvoyt ceste pénitence, il la reprint avecq soy & en eust depuis beaucoup de beaulx enfans.

« Mes Dames, si toutes celles à qui pareil cas est advenu beuvoyent en telz vaisseaulx, j’auroys grand paour que beaucoup de coupes dorées seroyent convertyes en testes de mortz. Dieu nous en veulle garder, car, si sa bonté ne nous retient, il n’y a aucun d’entre nous qui ne puisse faire pis, mais, ayant confiance en luy, il gardera celles qui confessent ne se povoir par elles mesmes garder, & celles qui se confient en leurs forces sont en grand dangier d’estre tentées jusques à confesser leur infirmité. Et en est veu plusieurs qui ont tresbuché en tel cas, dont l’honneur saulvoyt celles que l’on estimoyt les moins vertueuses, & dist le viel proverbe : Ce que Dieu garde est bien gardé.

— Je trouve, » dist Parlamente, « ceste punition autant raisonnable qu’il est possible ; car, tout ainsy que l’offence est pire que la mort, aussi est la pugnition pire que la mort. »

Dist Ennasuite : « Je ne suis pas de vostre opinion, car j’aimerois mieulx toute ma vye voir les os de tous mes serviteurs en mon cabinet que de mourir pour eulx, veu qu’il n’y a mesfaict qui ne se puisse amender, mais après la mort n’y a poinct d’amendement.

— Comment sçauriez vous amender la honte, » dist Longarine, « car vous sçavez que, quelque chose