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XXVJe NOUVELLE

combien que par sa si grand prudence elle n’en fit ung seul semblant.

L’heure du souppé venue & Monseigneur d’Avannes disant adieu à la compaignye, se retira au chasteau où le riche homme sur sa mulle l’accompaigna & en allant luy dist :

« Monseigneur, vous avez ce jourd’huy tant faict d’honneur à mes parens & à moy que ce me seroyt grande ingratitude si je ne m’offroys avecq toutes mes facultez à vous faire service. Je sçay, Monseigneur, que tel Seigneur que vous, qui avez pères rudes & avaritieux, avez souvent plus faulte d’argent que nous, qui par petit train & bon mesnaige ne pensons que d’en amasser. Or est il ainsy que, Dieu m’aiant donné une femme selon mon desir, ne m’a voullu donner en ce monde totallement mon Paradis, m’ostant la joie que les pères ont des enfans. Je sçay, Monseigneur, qu’il ne m’appartient pas de vous adopter pour tel, mais, s’il vous plaist de me recepvoir pour serviteur & me déclarer voz petites affaires, tant que cent mil escuz de mon bien se pourront estandre je ne fauldray vous secourir en voz nécessitez. »

Monseigneur d’Avannes fust fort joieulx de cest offre, car il avoyt ung père tel que l’autre luy avoyt déchiffré &, après l’avoir mercié, le nomma par alliance son père.

De ceste heure là le dict riche homme print tel