Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
IJe JOURNÉE

sa puissance ni de toutes les créatures du monde.

La Marquise, voyant son bon vouloir, la baisa, la laissant non sans grand regret.

Et depuis vesquirent Pauline & son serviteur si sainctement & dévotement en leur Observance, que l’on ne doibt doubter que celuy duquel la fin de la loy est charité ne leur dist à la fin de leur vie, comme à la Magdelaine, que leurs pechez leur estoient pardonnez veu qu’ils avoient beaucoup aymé, & qu’il ne les retirast en paix au lieu où la récompense passe touz les mérites des hommes.


« Vous ne pouvez icy nier, mes Dames, que l’amour de l’homme ne se soyt monstrée la plus grande ; mais elle luy fut si bien rendue que je voudrois que tous ceux qui s’en meslent fussent autant recompensez.

— Il y auroit doncques, » dist Hircan, « plus de fols & de folles declairez qu’il n’y en eut oncques ?

— Appelez vous follie, » dist Oisille, « d’aymer honnestement en la jeunesse, & puis de convertir cest amour du tout à Dieu ? »

Hircan en riant luy respondit : « Si mélancolie & desespoir sont louables, je diray que Pauline & son serviteur sont bien dignes d’estre louez.

— Si est ce, » dist Geburon, « que Dieu a plusieurs moyens de nous tirer à luy, dont les commencemens semblent estre maulvais, mais la fin en est bonne.

— Encores ay je une opinion, » dist Parlamente, « que jamais homme n’aymera parfaictement Dieu