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IJe JOURNÉE

sor du monde estoit en Pauline, lequel en l’espousant il cuidoit posséder.

La Marquise, desirant que par sa faveur Pauline fust mariée plus richement, l’en degoustoit le plus qu’il luy estoit possible & les empeschoit souvent de parler ensemble, leur remonstrant que, si le mariaige se faisoit, ils seroient les plus pauvres & misérables de toute l’Italie ; mais ceste raison ne pouvoit entrer en l’entendement du Gentil homme. Pauline de son costé dissimuloit le mieulx qu’elle pouvoit son amitié ; toutesfois elle n’en pensoit pas moins.

Ceste amitié dura longuement, avecq ceste espérance que le temps leur apporteroit quelque meilleure fortune, durant lequel vint une guerre, où ce Gentil homme fut prins prisonnier avec ung François, qui n’estoit moins amoureux en France que luy en Italie. Et, quand ils se trouvèrent compaignons de leurs fortunes, ils commencèrent à descouvrir leurs secretz l’un à l’aultre. Et confessa le François que son cueur estoit, ainsi que le sien, prisonnier, sans luy nommer le lieu ; mais, pour estre tous deux au service du marquis de Mantoue, sçavoit bien ce Gentil homme François que son compaignon aimoit Pauline, &, pour l’amitié qu’il avoit en son bien & profict, luy conseilloit d’en oster sa fantaisie. Ce que le Gentil homme Italien juroit n’estre en sa puissance &