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XVJe NOUVELLE

saiges & vertueuses que celles que vous avez si longuement chassées en vostre jeunesse, mais c’est la gloire des vieilles gens qui cuident tousjours avoir esté plus saiges que ceulx qui viennent après eulx.

— Et bien, Nomerfide, » dist Geburon, « quand la tromperie de quelqu’un de vos serviteurs vous aura faict cognoistre la malice des hommes, à ceste heure là croirez vous que je vous auray dict vray ? »

Oisille dist à Geburon : « Il me semble que le Gentil homme, que vous louez tant de hardiesse, debvroit plus estre loué de fureur d’amour, qui est une puissance si forte qu’elle faict entreprendre aux plus couartz du monde ce à quoy les plus hardiz penseroient deux fois. »

Saffredent luy dist : « Ma Dame, si ce n’estoit qu’il estimast les Italiens gens de meilleur discours que de grand effect, il me semble qu’il avoit occasion d’avoir paour.

— Ouy, » ce dist Oisille, « s’il n’eust point eu en son cueur le feu qui brusle craincte.

— Il me semble, » ce dist Hircan, « puis que vous ne trouvez la hardiesse de cestuy cy assez louable, qu’il fault que vous en sçachiez quelque autre qui est plus digne de louange.

— Il est vray, » dist Oisille, « que cestuy cy est louable, mais j’en sçay ung qui est plus admirable.

— Je vous supplie, ma Dame, » dist Geburon, « s’il est ainsi, que vous prenez ma place & que vous le dictes. »

Oisille commencea :

« Si ung homme qui, pour sa vie & l’honneur de