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DE MARGUERITE DE NAVARRE

Le Romain Mécène porta si grande faveur aux bonnes lettres & aux gents doctes que de luy tous ceuls qui favorisent la science & entretiennent les studieus sont appellés Mécènes. Luculle aussi se monstroit si libéral & humain envers toutes personnes de bon esprit & de sçavoir que sa maison fut nommée le port des Grecs venants à Romme. Mais Marguerite na ceddé ne à Mécène, ne à Luculle, & na esté sa maison ouverte aux siens, je dy aux François seulement, mais aux Romains aussi, aux Germains, aux Anglois, aux Escossois, aux Espaignols & à toutes nations du Monde, en sorte que, quand on parleoit en France du Mécène des bonnes Lettres & des gents de bien, on Ventendoit unanimement, après le Roy François, de la Royne de Navarre.

Qu’ainsi ne soit, tant de vertueuses & notables personnes le confirmeront qui ont esté, ou mis en son Estat, ou par elle advancés au gouvernement & régime des provinces & à l’exercice & administration de Justice.

Si Brinon vivoit, il en porteroit tesmoignage, qui fut homme grave, prudent, rare exemplaire de Justice &, quand il mourut Chancelier de ce pays,François Olivier fut mis en sa place, lequel décora tellement ceste dignité par ses admirables vertus & tant augmenta la grandeur du nom de Chancelier que, comme trèsdigne à qui plus grand charge fust baillée par la Divine Providence, disposante des affaires de France, il est cejourd’huy élevé au plus hault degré d’honneur, &, estant Chancelier de ce Royaume, comme Atlas soubstient le Ciel sur ses espaules, ainsi soubstient il par sa prudence toute la République Gallicane. À Olivier est succédé Groslot, homme d’excellent esprit, fort expérimenté en maintes bonnes choses, de jugement arresté & digne d’estre honoré pour son éru-