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ORAISON FUNÈBRE

voir des enfants riches, & peut estre Princes & grands Seigneurs, mais le plus souvent maulvais & trèspernicieux à leur Patrie. Ce que préveoiant, le sage Conte s’efforçea de toute sa puissance faire instituer Marguerite, sa fille, ainsi que les préceptes des Philosophes commandent les enfants des Princes estre instruicts & institués. Au reste, — pour autant, comme dit Platon, qu’il fault sur toutes choses prendre peine de choisir entre les bons un trèsbon & trèsexpert instructeur des enfants, veu que, comme le plus souvent, ce que l’expérience assés nous tesmoigne, l’enfant tient du laict de sa nourrice, ainsi celuy qui est institué participe communément des mœurs, je dy des vertus ou des vices de son instituteur, dequoy les Histoires nous proposent un notable exemple en Alexandre le Grand, — Loyse, subtile & providente mère, donna à sa fille Marguerite, pour maistresse de ses mœurs, une trèsexquise & trèsvénérable Dame, en laquelle toutes les vertus, l’une a l’envie de l’aultre, s’estoient assemblées. Quant est de son frère François, je croy que personne ne doubte qu’il ayt aussi esté nourri & institué de pareille diligence ; mais, pour autant que Monsieur Castellanus, Evesque de Mascon, homme de grand jugement & de profonde littérature, a escrit, en une trèsornée & trèsrenommée Oraison, de l’adolescence & vie dud. Seigneur, où il a fait un epitome & brief discours de ses gestes, & après luy Pierre Galand, personne trèsdocte, Professeur des bonnes Lettres pour le Roy en son Université de Paris, a mis en lumière une fort élégante louenge, & pleine de grande érudition, qui traicte de mesme matière, pour le présent ne parlerons que de Marguerite seule.

Ceste noble donc & sage Dame ne laissa celle qui luy estoit baillée en charge estre dissolue par voluptés, aban-