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Ire JOURNÉE

qu’elle ne l’abandonneroit jamais & sur ceste asseurance, non sans ung regret indicible, s’en partit Amadour & laissa sa femme avecq la Comtesse.

Quand Floride se veid seule après le département de son bon serviteur, elle se meit à faire toutes choses si bonnes & vertueuses qu’elle espéroit par cella actaindre le bruict des plus parfaictes Dames & d’estre reputée digne d’avoir ung tel serviteur que Amadour, lequel, estant arrivé à Barselonne, fut festoyé des Dames comme il avoyt accoustumé, mais elles le trouvèrent tant changé qu’elles n’eussent jamais pensé que mariage eust telle puissance sur ung homme comme il avoit sur luy ; car il sembloit qu’il se faschoit de veoir les choses que autresfois il avoyt desirées, & mesme la Comtesse de Palamos, qu’il avoit tant aymée, ne sçeut trouver moyen de le faire aller seullement jusques à son logis.

Amadour arresta à Barselonne le moins qu’il luy fut possible, comme celuy à qui l’heure tardoit d’estre au lieu où l’on n’espéroit que luy, &, quand il fut arrivé à Saulce, commença la guerre grande & cruelle entre les deux Roys, laquelle ne suis délibérée de racompter, ne aussy les beaulx faicts que feit Amadour, car mon compte seroit assez long pour employer toute une journée, mais sçachez qu’il emportoit le bruict par dessus tous ses compaignons. Le Duc de Nagères arriva à Perpi-