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VIIJe NOUVELLE

Qui fut bien désespéré, ce fut ce pauvre mary, voiant sa femme tant saige, belle & chaste, avoir esté delaissée de luy pour une qui ne l’aymoit pas, &, qui pis est, avoit esté si malheureux que de la faire meschante sans son sçeu, & que faire participant ung aultre au plaisir qui n’estoit que pour luy seul se forgea en luy mesmes les cornes de perpétuelle mocquerie. Mais, voyant sa femme assez courroucée de l’amour qu’il avoit portée à sa Chamberière, se garda bien de luy dire le meschant tour qu’il luy avoit faict &, en luy demandant pardon, avecq promesse de changer entièrement sa mauvaise vie, luy rendit l’anneau qu’il avoyt reprins de son compaignon, auquel il pria de ne révéler sa honte. Mais, comme toutes choses dictes à l’oreille sont preschées sur le toict, quelque temps après la vérité fut congneue, & l’appelloit on coqu sans honte de sa femme.

« Il me semble, mes Dames, que, si tous ceulx qui ont faict de pareilles offences à leurs femmes estoient pugniz de pareille pugnition, Hircan & Saffredent devroient avoir belle peur. »

Saffredent luy dist : « Et dea, Longarine, n’y en a il poinct d’autre en la compaignye mariez que Hircan & moy ?

— Si a bien, » dist-elle, « mais non pas qui voulsissent jouer ung tel tour.