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Ire JOURNÉE

que vous ne tiennent poinct fascheux les Cordeliers ; car ils sont hommes aussi beaulx, aussi fortz & plus reposez que nous autres, qui sommes tous cassez du harnoys, & si parlent comme Anges & sont importuns comme Diables ; pour quoy celles qui n’ont veu robbes que de bureau sont bien vertueuses quand elles eschappent de leurs mains. »

Nomerfide dist tout hault :

« Ha par ma foy, vous en direz ce que vous vouldrez, mais j’eusse mieulx aymé estre jectée en la rivière que de coucher avecq ung Cordelier. »

Oisille luy dist en riant :

« Vous savez doncques bien nouer ? »

Ce que Nomerfide trouva bien mauvais, pensant qu’Oisille n’eust telle estime d’elle qu’elle desiroit, par quoy luy dist en colère :

« Il y en a qui ont refusé des personnes plus agréables que ung Cordelier & n’en ont poinct fait sonner la trompette. »

Oisille se prenant à rire de la voir courroussée, luy dist :

« Encores moins ont elles fait sonner le tabourin de ce qu’elles ont faict & accordé. »

Geburon dist : « Je voy bien que Nomerfide a envye de parler, parquoy je luy donne ma voix, affin qu’elle descharge son cueur sur quelque bonne Nouvelle.

— Les propos passez, » dist Nomerfide, « me touchent si peu que je n’en puis avoir ne joye ne ennuy. Mais, puisque j’ay vostre voix, je vous prye oyr la myenne pour vous monstrer que, si une femme a esté séduicte en bien, il y en a qui le sont en mal. Et pour