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IIJe NOUVELLE

La Royne en riant luy respondit : « Combien que le Roy soyt de plus délicate complexion que vous, si est ce que l’amour qu’il me porte me contente tant que je la préfère à toute aultre chose. »

Le Gentil homme luy dit : « Ma Dame, s’il estoit ainsy, vous ne me feriez poinct de pitié, car je sçay bien que l’honneste amour de vostre cueur vous rendroit très contante s’il trouvoyt en celuy du Roy pareil amour, mais Dieu vous en a bien gardée, à fin que, ne trouvant en luy ce que vous demandez, vous n’en fissiez vostre Dieu en terre.

— Je vous confesse, » dist la Royne, « que l’amour que je luy porte est si grande que en nul aultre cueur que au mien ne se peult trouver la semblable.

— Pardonnez moy, ma Dame, » luy dist le Gentil homme ; « vous n’avez pas bien sondé l’amour de tous les cueurs, car je vous ose bien dire que tel vous ayme de qui l’amour est si grande & importable que la vostre auprès de la sienne ne se monstreroit rien, &, d’autant qu’il veoit l’amour du Roy faillye en vous, la sienne croist & augmente de telle sorte que, si vous l’avez pour agréable, vous serez récompensée de toutes vos pertes. »

La Royne commencea, tant par ces parolles que