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Ire JOURNÉE

Neaufle, comme bon viellard serviteur, s’en alla au Chancellier d’Alençon & luy racompta toute l’histoire.

Et, pour ce que le Duc & la Duchesse d’Allençon n’estoient pour le jour à la Cour, le dict Chancellier alla compter ce cas estrange à Ma Dame la Régente, mère du Roy & de la dicte Duchesse, qui soubdainement envoya quérir le Prévost de Paris, nommé La Barre, lequel feit si bonne dilligence qu’il print le Procureur & Gallery, son Invocateur, lesquelz, sans genne ne contraincte, confessèrent librement le debte, & fut leur procès faict & rapporté au Roy. Quelques uns, voulans saulver leurs vies, luy dirent qu’ilz ne serchoient que sa bonne grace par leurs enchantemens ; mais le Roy, ayant la vie de sa seur aussy chère que la sienne, commanda que l’on donnast la sentence telle que s’ilz eussent attempté à sa personne propre.

Toutesfois, sa sœur, la Duchesse d’Alençon, le supplia que la vie fut saulve audict Procureur & commuer sa mort en quelque peyne cruelle, ce que luy fut octroyé, & furent envoiez luy & Gallery à Marseilles, aux gallères de Sainct-Blanchart, où ilz finèrent leurs jours en grande captivité & eurent loisir de recongnoistre la gravité de leurs péchez ; & la mauvaise femme, en l’absence de son mary, continua son péché plus que jamais & mourut misérablement.