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NOTICE DES ÉDITIONS

Cette édition est la première qui renferme le texte à peu près complet de l’Heptaméron, rangé dans l’ordre que l’auteur avait adopté. Bien que Claude Gruget prétende, dans sa dédicace, avoir rétabli le texte d’après les manuscrits, il est certain qu’il s’est servi du travail de Boaistuau. Ce qui le prouve, c’est que les passages supprimés par Boaistuau, comme trop hardis, l’ont été aussi par Claude Gruget, & que ce second éditeur a seulement un peu modifié l’orthographe adoptée par le premier.

Voici la dédicace que C. Gruget adresse à Jeanne d’Albret, Reine de Navarre, fille de Marguerite[1] :


À très illustre & très vertueuse Princesse Madame Jeanne de Foix, Royne de France, Claude Gruget, son très humble serviteur, désire salut & félicité.

« Je ne me fusse ingéré, Madame, vous présenter ce livre des Nouvelles de la feue Royne, vostre mère, si la première édition n’eust obmis ou celé son nom & quasi changé toute sa forme, tellement que plusieurs le mescognoissoient, cause que, pour le rendre digne de son auteur, aussi tost qu’il fut divulgué, je recueilly de toutes parts les exemplaires que j’en peu recouvrer escrits à la main, les vérifiant sur ma copie, & feis en sorte que je le réduisy au vray ordre qu’elle l’avoit dressé. Puis, soubz la permission du Roy & vostre consentement, il a été mis sur la presse pour le publier tel qu’il doit estre.

« En quoy me revient en mémoire ce que le Comte Balthazar dict de Boccace, en la Préface de son Courtisan, que ce qu’il feit en se jouant, sçavoir est son Décaméron, luy a porté plus d’honneur que toutes ses autres œuvres, latines ou tuscanes, qu’il estimoit les plus sérieuses.

« Aussi la Royne, vray ornement de nostre siècle, de laquelle vous ne torlignez en l’amour & congnoissance des bonnes lettres, en se jouant sur les actes de la vie humaine a laissé de si belles instructions qu’il n’y a celui qui n’y trouve matière d’érudition, & si a, selon tout bon jugement, passé Boccace ès beaux Discours qu’elle faict sur chascun de ses Comptes. De quoy elle mérite louenge, non seulement pardessus les plus excellentes Dames, mais aussi entre les plus doctes hommes ; car, de trois stiles d’oraison descrits par Cicéron, elle a choisy le simple, semblable à celuy de Térence en latin, qui semble à chascun fort aisé à imiter, mais, à qui l’expérimente, rien moins.

  1. Nous donnons en entier la dédicace de Gruget, dont M. L. de L. n’avait donné que le commencement. — M.