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EXTRAITS DE BRANTOME

belles sentances, que j’ay ouy dire que la Reyne Mère & Madame de Savoye, estans jeunes, se voulurent mesler d’en escrire des Nouvelles à part, à l’immitation de la dicte Reyne de Navarre, sçaichant bien que elle en faisoit ; mais que, quand elles eurent veu les siennes, elles eurent si grand despit des leurs, qui n’aprochoyent nullement des autres, qu’elles les jettarent dans le feu & ne voulurent les mettre en lumière. Grand dommage pourtant, car, estant si spirituelles, il n’y pouvoyt avoir rien que très bon & très plaisant, venant de telles Grandes qui sçavoient de bons contes.

Elle composa toutes ses Nouvelles la pluspart du temps dans sa lityère, en allant par pays, car elle avoit de plus grandes occupations estant retirée. Je l’ay ouy ainsin conter à ma grand’mère, qui alloyt tousjours avec elle dans sa lityère comme sa Dame d’honneur, & luy tenoit l’escritoire dont elle escrivoit, & les mettoit par escrit aussi tost & habillement, ou plus, que si on luy eust ditté.

C’estoit aussi la personne du monde qui faisoit mieux les devises, en françoys & latin & autre langue, qui fust point, comme il y en ha un’infinité en nostre maison en des lictz & tapisseries, qu’elle a composées[1].

J’en ay assez parlé pour asture ; ailleurs j’en parleray encore. (Ed. Lalanne, tome VIII, 1875, P. 214-226.)

  1. On lui connaît au moins trois devises. L’une, donnée par Claude Paradin dans ses Devises héroïques (1557, p. 41), est un souci se tournant vers le soleil avec la légende NON INFERIORA SECUTUS ; il la rapporte à l’affection au grand soleil de Justice qui est Dieu, & son explication doit être acceptée en la complétant, néanmoins — le propre des devises est de comporter souvent plusieurs sens — en y voyant aussi l’expression de son dévouement fraternel au Roi François, son autre soleil. Elle paraît, au reste,