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DE MARGUERITE DE NAVARRE

croire cecy, il luy est aussi nécessaire m’accorder celle, qui dist à Marguerite en songe que bien tost elle seroit couronnée de la couronne qu’elle luy monstreoit, avoir entendu de la couronne de vie qu’elle devoit recevoir après la mort du corps.

Que si nous avons affaire aux Chrestiens, je croy qu’ils ne nieront que le Seigneur a accoustumé, quelquefois par songes, quelquefois par d’aultres signes extérieurs, nous faire entendre sa volunté & nous révéler ce qui nous doibt advenir. L’eschelle que facob veit en dormant n’estoit elle pleine de grand mystère ? Et dirons nous les songes de Joseph avoir esté vains & dignes de mépris, ou bien divins ? Ce que le Seigneur dist par songe à Abimélech, aux Prophêtes, à Joseph, mari de la vierge Marie, & aux trois Saiges d’Orient, combien il estoit véritable & divin l’issue suffisamment le tesmoigne. Tu diras ce que nous appelions Songes n’estre toujours vrays. Certe, je te le confesse, & te dy d’avantage que plusieurs sont fort obscurs, mais aussi il y en a plusieurs vrays qui adnoncent à ceuls qui les sçavent bien observer maintes choses incrédibles à la Chair. Le Seigneur défend l’observation des songes, mais aussi l’Escripture Saincte crie qu’il luy fault laisser l’interprétation des songes.

Et par ainsi les songes qui adviennent au dormir mal disposé, je dy, comme Socrate dit en Platon, les songes perturbés & confus que font ceuls qui sont pleins de vin & de viandes, ne doivent estre observés, &, quant aux songes obscurs, il fault recourir au Sainct Esprit qui, portant tesmoignage à nostre Esprit que nous sommes enfants de Dieu, certainement ne nous pourroit laisser estonnés, troublés & esperdus ès choses perplexes, doubteuses & incertaines. Quant est des Epicuriens & Athées, il ne se