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DE LA ROYNE DE NAVARRE.

diſt : Voila le plus grand fol dont iamais aye ouy parler. Eſt il raiſonnable (par voſtre foy) que nous mourions pour femmes, qui ne ſont faictes que pour nous ? & que nous craignons leur demander ce que Dieu leur enioinct nous donner ? ie ne parle pour moy ne pour tous les mariez : car i’ay autant ou plus de femme qu’il ne m’en fault : mais ie dy cecy pour ceux qui en ont neceſsité, leſquels il me ſemble eſtre ſots de craindre celles à qui ils doiuent faire peur. Voyez vous pas bien le regret que ceſte pauure femme auoit de ſa ſottiſe : car puis qu’elle embraſſoit le corps mort (choſe repugnante à nature) elle n’euſt point refusé le corps viuant, s’il euſt vſé d’auſsi grãde audace, qu’il feit de pitié en mourant. Toutesfois, diſt Oiſille, ſi monſtra bien le gentilhõme l’honneſteté & amitié qu’il luy portoit, dont il ſera à iamais loüable deuant tout le monde : car trouuer chaſteté en vn cueur amoureux, eſt choſe plus diuine qu’humaine. Ma dame, diſt Safredent, pour confirmer le dire d’Hircan (auquel ie me tiens) ie vous prie me croire, que fortune aide aux audacieux : & qu’il n’y a homme, ſ’il eſt aimé d’vne dame, mais qu’il ſçache pourſuiure ſagement & affectionément, qu’en la fin n’en ait du tout ce qu’il demande, ou en partie : mais l’ignorance & la foible crainte, fait perdre aux hommes beaucoup de bonnes aduentures, & fondent leur perte ſur la vertu de leur amie, laquelle n’ont iamais experimentée du bout du doigt ſeulemẽt : car oncques place ne fut bien aſſaillie ſans eſtre priſe. Ie m’eſbahis, diſt Parlamente, de vous deux, comme vous oſez tenir tels propos : celles que vous auez aimées ne vous ſont gueres tenuës, ou voſtre adreſſe a eſté en ſi meſchãt lieu que vous eſtimez les femmes toutes pareilles. Ma dame, diſt Saffredẽt, quant eſt de moy, ie ſuis ſi malheureux que ie n’ay dequoy me vanter : mais ſi ne puis ie tant attribuer mon malheur à la vertu des dames, qu’à la faulte de n’auoir aſſez ſagement entrepris, ou bien prudemment cõduict mon affaire & n’allegueray pour tous docteurs que la vieille du Rommant de la Roſe, laquelle dict : Nous ſommes faicts beaux fils ſans doubte, toutes pour tous, & tous pour toutes. Parquoy ie ne croy pas que ſi l’amour eſt vne fois au cueur d’vne femme, que l’hõme n’en ait bonne iſſue, ſ’il ne tient à ſa beſtie. Parlamente diſt : Et ſi ie vous en nommois vne bien aimante, bien requiſe, preſsée, &