Page:Marguerite de Navarre - L'heptaméron des nouvelles, 1559.pdf/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
DE LA ROYNE DE NAVARRE.

dit ſon anneau qu’il auoit reprins de ſon compaignon, lequel pria de ne reueler ſa honte. Mais comme toutes choſes dictes à l’oreille ſont preschées ſur le tect, quelque temps apres la verité fut cogneuë, & l’appelloit on cocu, ſans la hõte de ſa ſẽme.

Il me ſemble, mes dames, que ſi tous ceux qui ont faict pareilles offenſes à leurs femmes, eſtoient puniz de pareille punition, Hircan & Saffredent deuroient auoir belle peur. Et dea Longarine, diſt Saffredent, n’y en a il point d’autres en la compaignie mariez, que Hircan & moy ? Si a bien, diſt elle, mais non pas qui vouluſſent iouër vn tel tour. Ou auez vous veu, diſt Saffredent, que nous ayons pourchaſſé les chambrieres de noz femmes ? Si celles à qui il touche, diſt Longarine, vouloient dire la verité, lon trouueroit bien chambriere, à qui lon a donné congé auant ſon quartier. Vrayement, ce diſt Guebron, vous eſtes vne bonne dame, qui en lieu de faire rire la compaignie, cõme vous auez promis, mettez ces deux pauures gens en colere. C’eſt tout vn, diſt Longarine, meſque ils ne viennent point aux eſpées, leur colere ne fera que redoubler noſtre rire. Mais il eſt bon, diſt Hircan, car ſi noz femmes vouloient croire ceſte dame, elle brouilleroit le meilleur meſnage qui ſoit en la compaignie. Ie ſçay bien deuant qui ie parle, diſt Longarine, car voz femmes ſont ſi ſages, & vous aimẽt tant que quand vous leur feriez cornes, auſsi puiſſantes que celles d’vn dain, encores ſe voudroient elles perſuader, & au monde auſsi, que ce ſont chapeaux de roſes. La cõpaignie, & meſmes ceux à qui il touchoit, ſe prindrent tant à rire, qu’ils meirent fin à leur propos. Mais Dagoucin qui encores n’auoit ſonné mot, ne ſe peut tenir de dire : L’homme eſt bien deſraiſonnable, quand il a dequoy ſe contenter, & veult chercher autre choſe. Car i’ay veu ſouuent pour cuider mieux auoir, & ne ſe contenter de la ſuffiſance, que lon tombe au pis, & ſi lon n’eſt point plainct. Car l’incõſtance eſt touſiours blaſmée. Simontault luy diſt : Mais que feriez vous à ceux qui n’ont pas trouué leur moitié ? Appellez vous inconſtance de la chercher en tous les lieux ou lon la peult trouuer ? Pource que l’homme ne peult ſçauoir, diſt Dagoucin, ou eſt ceſte moictié dont l’vnion eſt ſi egale, que l’vn ne differe de l’autre, il fault qu’il s’arreſte ou l’amour le cõtraint, & pour quelque occaſion qui puiſſe aduenir, ne chan-