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LA VIII. IOVRNEE DES NOVVELLES

religieux, qui de loing ouyt ſes ſouſpirs, ſe douta de la conuerfion, par laquelle il pouuoit perdre ſon plaiſir, dont pour l’empeſcher, la vint trouuer profternée deuant ceſte image, & la reprint aigrement, luy diſant, que fi elle en faiſoit confcience, qu’elle s’en confeſſaſt à luy, puis qu’elle n’y retournaſt plus, fi elle vouloit : car l’vn & l’autre eſtoit ſans peché en la liberté. La fotte religieuſe, cuidant ſatisfaire enuers Dieu, s’alla confeffer à luy, qui pour toute penitence luy iura qu’elle ne pechoit point de l’aimer, & que l’eau beneiſte pouuoit effacer vn tel peccatile. Elle, croyant plus en luy, qu’en Dicu, retourna au bout de quelque temps à luy obeïr, en ſorte qu’elle deuint groffe, dont elle print fi grand regret, qu’elle ſupplia à la prieure de faire chaffer hors du monaſtere ce religieux, fçachant qu’il eſtoit fi fin & cauteleux, qu’il ne faudroit point à la ſeduire. La prieure & lc pricur, qui s’accordoient fort bien enſemble, ſe mocquerent d’elle, diſans qu’elle eſtoit aſſez grande pour ſe deffendre d’un homme : & que celuy, dont elle parloit, eſtoit trop homme de bien. A la fin, à force d’impetuoſité, preſsée du remors de la conſcience, leur demanda congé d’aller à Rome : car elle penfoit, en confeffant ſon peché aux pieds du Pape, recouurer ſa virginité. Ce que treſvolontiers le prieur & la prieure luy accorderent : car ils aimoient mieux qu’elle fult pelerine contre ſa reigle, que renfermée & deuenir fi ſcrupuleuſe, comme elle cſtoit, craignans que ſon deſeſpoir luy feiſt reueler la vie que lon menoit lá dedans, luy baillans de l’argent pour faire ſon voyage. Mais Dieu voulut qu’eſtant à Lyon, vn foir apres veſpres, ſur le pulpiſtre de l’egliſe faine Iean, ou madame la Ducheſſe d’Alençon, qui depuis fur Royne de Nauarre, alloit fecrettement faire quelque neufucinc, auecques trois ou quatre de ſes femmes eſtant à genoux, & deuant le crucifix, ouyt monter en hault quelque perſonne, & à la lueur de la lampe, cogncur que c’eſtoit vne religieuſe. Et à fin d’entendre ſes de uotions, ſe retira la Ducheſſe au coing de l’autel, & la religieufe, qui penſoit eſtre ſeule, s’agenoilla : puis en frappant la coulpe, fe print tant à pleurer, que c’eſtoit pitié, ne cryant finon : Helas ! mon Dieu, ayez pitié de ceſte pauure pecherefſe. La Ducheſſe, pour entendre que c’eſtoit, s’approcha d’elle,