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LA VIII. IOVRNEE DES NOVVELLES

arriuez, qui auoient prins leurs places. Quand chacun fut aßis, lon demanda, qui commenceroit. Saffredent diſt : Vous m’auez faict l’honneur de commencer deux iournées : il me ſemble, que nous ferions tort aux dames, ſi vne ſeule n’en cŏmmencoit deux. Il faudroit doncques, diſt madame Oiſille, que nous demeuriſsions icy longuement, ou que l’vn de vous, ou vne de nous ſoit ſans auoir ſa iournée. Quant à moy, diſt Dagoucin, ſi i’euſſe eſté eſleu, i’euſſe donné ma place à Saffredent. Et moy, diſt Nomerfide, i’euſſe donné la mienne à Parlamente. Car i’ay tant accouſtumé de ſeruir, que ie ne ſcaurois commander. Aquoy la compagnie s’accorda : & Parlamente commenca ainſi : Mes dames, noz iournées paſsées ont eſté pleines de tant de ſages comptes, que ie vous voudrois prier, que ceſte cy le fuſt de toutes les plus grandes folies, & les plus veritables, dont nous pourrions aduiſer. Et pour nous mettre en train, ie vay commencer.



Vne femme eſtant aux abboiz de la mort, ſe courrouça en ſorte, voyant que ſon mary accolloit ſa chambriere, qu’elle reuint en ſanté.


NOVVELLE SEPTANTEVNIESME.



En la ville d’Amboiſe y auoit vn ſellier nõmé Bourrihaudier, lequel eſtoit ſellier de la Royne de Nauarre, homme duquel lon pouuoit iuger la nature à veoir la couleur du viſage, eſtre pluſtoſt ſeruiteur de Bacchus, que des preſtres de Diane. Il auoit eſpousé vne femme de bien, qui gouuernoit ſon meſnage, & ſes enſans treſſagement, dont il ſe contentoit. Vn iour on luy diſt, que ſa bonne femme eſtoit fort malade, & en grand danger. Dont il monſtra eſtre autant courroucé, qu’il eſtoit poſsible, & s’en alla en grande diligence pour la ſecourir, & trouua ſa pauure femme ſi bas, qu’elle auoit plus beſoing

de con-