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DE LA ROYNE DE NAVARRE.

fie fais bien traictée de luy ; ie vous afleure de le vous rendre, de tout man pouuoir. L’apoticaire pour la côfoler luy dift, qu’il fçauoit vne pouldre, laquelle fi elle donnoit auec vn bouillon ou vne roftie, comme de pouldre de duc, à ſon mary, il luy ſe- roit la plus orand chere du monde. La pauure femme, defrant veoirce miracle, luy demanda que c’eftoit, & fi elle en pouuoit recouurer.Il luy declara, qu’il my auoit rié ſinon que prendre la ouldre de cantarides, dontil auoit bonne prouifion : &auant ue partir d’enſemble, le contraignit d’accoufirer ceſte poul : dre, & en princce qu’il luy faifoit de mefher, dont depuiselle le mercia pluficurs fois : car ſon mary, qui eftoit fort & puiflant, & qui n’en print pas trop, ne sé crouua point pis, & elle mieux, La femme de ceft apoticaire, qui entédit tout ce diſcours, pen- faen elle mefmes, qu’elle auoit necefsité de ceſte reccpre, auſsi bien que fa commere. Et regardant au lieu ou {on maty met- toit le demeurant de la poudre, penſa qu’elle en yferoit quand elle verroit l’occafon : ce qu’elle feit auâr crois ou quatreiours, que ſon mary fencit vne froideur d’eftomach, la prianc luy fai- re quelque bô porage.Mais elle luy dift qu’vne roftie à la poul- dre de duc luy feroit plus profitable : & luy commanda de luy en aller coft faire vne, & prendre de la cynamome, & du fuccre enlaboutique : ce qu’elle feift, & n’oublia le demeurant de la pouldre qu’il auoit baillée à fa commere, fans y garder doze, poix, ne meſure.Le mary mangea la roftie, & la trouua tresbon- he : mais bien toit s’apperceut de l’effet, qu’il cuida appaifer a- uec fa femme, ce qui ne fut poſsible : car le feu le brufloic : fi fort, qu’il ne fçauoit de quel cofté ſe tourner, & diff à fa fem- me, qu’elle l’auoitempoifonné, & qu’il vouloicfçauoir qu’elle avoit mis en fa roftic. Elleluy confefla la verité, & qu’elle auoit auſsi bon befoing de ceſte recepte, que fa commere, Le pauure apoticaire ne la fceut battre que d’iniures, pour le mal en quoy ileftoit, mais la chafla de deuantluy, & enuoya prier Papoticai- re de la Royne de Nauarre de le venir vificer lequel luy bailla tous les remedes propres pour le guerir. Ce qu’il feit en peu de temps, le reprenant trefapremét, de ce qu’ileftoit fi fol de con- {ciller à autruy d’vfer des drogues, qu’ilne vouloit prédre pour luy : & que fa femme auoit fai&, ce qu’elle deuoit faire, veu le defir qu’elle auoit de ſe faire aimer à luy. Ainfi failuc quele

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