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LA VII. IOVRNEE DES NOVVELLES

propos pour elle : Mais que les beftes ne mordent point, leur compagnie eſt plus plaiſante, que celle des hommes, qui font coleres & inſupportables. Maisie fuyuray mon propos, & di- ray, que, fi mon mary eftoit en tel danger, iene l’abandonne- rois pour mourir. Gardez vous, dift Nom erfide, de l’aimer tant, que trop d’amour ne trompe & luy & vous : carilya par tout moyen, & par faulre d’eftre bien entendu, fouuent s’engendre haine pour amour. Il me ſemble, dift Simontault, que vous n’a- uez point mené ce propos fiauant, fans enuie de le confirmer par quelque exemple. Parquoy fi vous en fçauez, ie vous don- ne ma place pour le dire. Or donc, dift Nomerfide, ſelon ma couftume, ie le vous feray court & ioyeux.

Vne femme faiét manger des cantarides à ſon Mary, pour atioir Vntraict de Pamour : @’ilen cuida mourir.

NOVVBELLE SOIXANTEHVICTIESME.

n la ville de Pau en Bear, y eut vn apoti- caite que lon nommoit maiftre Eftienne, lequel auoit efpousé vne femme de bien, bôüne mefnagere, & aſſez belle pour le con- cécer. Mais ainſi qu’il gouftoit de differêres drogues, auſsi failoit il fouuét de differétes femmes, pour fçauoir mieux parler de tou- tes complexions : dont fa femme eftoit fi fort rourmentée, qu’elle perdoir toute patience : car il ne tenoit compte delle, ſinon la ſemaine fainéte par penirence. Eftant vn iour l’apoti- caire en fa boutique, & fa femme cachée derriere Phuys efcou- tant ce qu’il difoit, vint vne femme de la ville, commere dudit apoticaire, frappée de mefme maladie que l’autre : & en foulpi- rant dift à lapoticaire : Helas ! mon compere, mon amy, ie {uis la plus malheureuſe femme du monde, Car j’aime mon maty comme moy-mefme, & ne fais que penſer à le feruir & obeïr : mais tout mon labeur cf perdu, parce qu’il aime mieux la plus mefchäre, plus orde, & {alle de la ville, que moy. Etie vous prie, mon compcre, fivous fçauez point quelque drogue, qui lüy puiſſe feruir à changer fa complexion, m’en vouloir M 11e fuis.