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DE LA ROYNE DE NAVARRE.

montault, que Îles hommes prennent plaiſir à ouïr mal dire des femmes : & füis feur, que vous me tenez de ce nôbre 4. Par. quoyiay grande enuie de dire bien d’une, à fin den’eftretenu FA tous les autres pour mefdifant.le vous donne ma place, dift Emarfuitte, vous priant de contraindre voftre naturel, pour faite voftre deuoiren noftre honneur. À Fheure Simontaulc commença : Ce n’eſt choſe fi nouuelle, mes dames, d’ouïr de vous quelque acte vertueux : que s’il s’en offre quelqu’vn, ilme ſemble ne deuoir eftre celé, mais pluftoft efcrit en lettres d’or, à fin de feruir aux femmes d’exemple, & aux hommes d’admi- sation : voyant en {exe fragile, ce que fragilité refuſe. C’eſt l’oc- cafon, qui me fera racompter ce, que l’ay ouy direau capitaine Roberval, & à plufeurs de fa compagnie.

Extremeamour, C7 anflerité de femme, en terreeflranpe.

NOVVELLE SOIXANTESEPTIESME.

OBERVAL faiſant vn voyage fur la mer À (duquel il eftoit chef, parle commandeméc du roy ſon maiftre) en l’ifle de Canadas, au- quel lieu auoit delibeté, fi l’air du pays euft eſté cômmode, de demeurer, & y faire villes & chafteaux.En quoy il feit tel commence- ment, que chacun peult fçauoir.Et pour ha- biruer le païs de Chreftiens, y mena auccluy toutes fortes d’ar- tifans, encre lefquelsyauoitvn homme, qui fut fi malheureux, qu’ilcrahit ſon maiftre, & le meit en dâger d’eftre prins des gës du pays. Mais Dieu voulut, que ſon entreprinfe fut fitoft co- gncué, qu’elle ne peut nuire au capitaine Roberval, lequel feit prendre ce mefchant trahiftre, le voulant punir comme ilauoit merite. Ce qui cuft eſté fai& fans fa femme, laquelle, ayant fuy- ui ſon mary par les perils dela mer, ne le voñlut abandonner à la mort : mais auec force larmes feittantenuers le capitaine, & toute la compagnie, que tant par la pitié d’icelle, que pour les feruices qu’elle leur auoit faiéts, luy accorda fa requelte, qui fut telle, quele mary & la femme feroientlaiffez en vne petite ifle fur la mer, ou n’habitoient que beftes fauuages : & leur fut per-