diſt Emarſuitte : mais ſi ie le pouuois repreſenter tel qu’il auint, vous n’auriez point enuie de plorer.
NOVVELLE SOIXANTESIXIESME.
’annee que monſieur de Vendoſme eſpouſa
la princeſſe de Nauarre, apres auoir
feſtoyé à Vendoſme, le Roy & la Royne,
leur pere & mere, s’en allerent en Guyenne
auecques eux, & paſſans par la maiſon
d’vn gentil-homme ou il y auoit beaucoup
de belles & ieunes dames, il y fut dancé ſi
longuement, que les deux nouueaux mariez ſe trouuerent laſſez,
qui les feit retirer en leur chambre, & tous veſtuz ſe meirent
ſur le lict, ou ils s’endormirent, les portes & feneſtres fermées,
ſans que nul demeuraſt auec eux. Mais au plus fort de
leur ſommeil ouyrent ouurir leur porte par dehors, & en tirant
le rideau regarda ledict ſeigneur qui ce pouuoit eſtre, doutant
que ce fuſt quelqu’vn de ſes amis, qui le vouluſt ſurprendre.
Et lors il veid entrer vne grande vieille chambriere, qui alla
tout droit à leur lict, mais pour l’obſcurité de la chambre ne les
pouuoit cognoiſtre : parquoy les entreuoyant bien pres l’vn de
l’autre, ſe print à crier : O meſchante vilaine infame, que tu es,
il y a long temps que ie t’ay ſoupçonnée telle : mais ne le pouuant
prouuer, ie ne l’ay oſé dire à ma dame : à ceſte heure ta vilanie
eſt ſi cogneuë, que ie ne ſuis deliberée de la diſsimuler. Et
toy, vilain apoſtat, qui as pourchaſſé en ceſte maiſon vne telle
hõte de mettre à mal ceſte pauure garſe, ſi n’eſtoit pour la crainte
de Dieu, ie t’aſſommerois de coups, lá ou tu es. Sus, debout,
de par tous les diables : ſus, debout. Encores ſemble-il, que tu
n’en ayes point de honte. Monſieur de Vendoſme & madame
la princeſſe, pour faire durer le propos plus longuement, ſe cachoient
le viſage l’vn contre l’autre, rians ſi fort, qu’ils ne pouuoient
parler. Parquoy la chambriere, voyant que pour ſes menaces
ils ne faiſoient ſemblant de ſ’en emouuoir, ny ſe leuer
du lict, s’en approcha de plus pres, pour les tirer de lá par les